Confrontée à des signes inquiétants de contamination des eaux par les produits phytosanitaires, aussi bien au niveau de certains captages d'alimentation en eau potable exploitant le réservoir aquifère de la craie, qu'au niveau de certains cours d'eau qui naturellement drainent cette nappe, la Direction Régionale des Affaires sanitaires et Sociales de Picardie a souhaité initier une réflexion sur les relations hydrochimiques entre eaux souterraines et superficielles à l'échelle d'un même bassin hydrogéologique. Dans ce but, elle a confié au BRGM, Service géologique régional de Picardie, la réalisation d'une synthèse bibliographique sur les processus de migration des pesticides vers les eaux souterraines et superficielles, ainsi que l'examen de la situation dans un bassin pilote : le bassin de la Serre, au Nord de Laon dans l'Aisne, secteur réputé sensible vis-à-vis de la pollution des eaux par les produits phytosanitaires. L'examen des données disponibles sur les teneurs en pesticides des eaux de nappe et de rivière, recueillies auprès de la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales et de la Direction Régionale de l'Environnement, montre que la situation dans le bassin de la Serre est préoccupante. En effet, 21 captages d'alimentation en eau potable sur les 34 considérés ont présenté au moins une fois depuis 1990 une contamination, fréquemment située au-dessus de la concentration maximale admissible de 0,1 ug/l. Les molécules incriminées sont essentiellement l'atrazine et ses produits de dégradation ainsi que la simazine, molécules qui ont d'ailleurs été presque systématiquement retrouvées dans les eaux de rivière, avec des concentrations globalement du même ordre de grandeur. L'examen plus approfondi des secteurs de Marle et de Tavaux et Ponséricourt laisse penser qu'il est plausible que le bruit de fond de la pollution enregistrée dans les eaux de rivière provienne de la nappe, alors que les pics épisodiques élevés enregistrés dans les eaux de rivière seraient la conséquence du ruissellement de surface lors des fortes pluies. Toutefois dans le cas de Marle, il semble qu'une partie de la contamination des eaux pompées au captage provienne indirectement de la rivière via l'aquifère alluvial. Malgré le caractère fragmentaire des données disponibles, tant dans le temps que dans l'espace, il existe donc un faisceau de présomptions laissant craindre une contamination diffuse et généralisée des eaux souterraines et superficielles du bassin de la Serre par les produits phytosanitaires, et des transferts entre ces deux milieux. Un programme d'investigations complémentaires s'avère indispensable pour établir un diagnostic approfondi de la situation dans ce bassin et confirmer ces premières présomptions. Ce programme devra inclure d'une part un suivi régulier des teneurs en pesticides dans les eaux souterraines et superficielles, mais aussi dans les eaux de pluie, et, d'autre part, une enquête sur les utilisations et usages agricoles et non agricoles des molécules détectées. C'est alors qu'un programme d'action pertinent pour la protection des captages d'alimentation en eau potable pourra être mis en place.